Il est toujours difficile de transcrire un séjour dans le désert.
Le risque de rétrécir le vécu subjectif, de faire de la conscience d’être une expérience passagère, d’utiliser des mots excessifs, des mots qui surajoutent quand il convient de rendre hommage au silence et à l’immensité d’une terre, qui est aussi le ciel, et nous fait toucher de l’âme l’Unité de toute chose ici-bas.
Mais nous n’avons que le langage pour dire. Et qu’importe si celui-ci est limité et limitatif. Tentons d’exprimer l’ineffable. Essayons de décrire quand même, pour laisser une trace visible de toute cette beauté que nous avons traversée, et qu’à certains égards, chacun garde précieusement en soi, dans le secret de son coeur.
Au fond, notre séjour dans le Sahara, nous en avons parlé avant, nous en avons parlé après, et pendant, nous en parlions aussi.
Il y a eu des échanges riches et courageux, – permis par la volonté de tous d’être en vérité avec soi, de ne pas juger, de suspendre un temps les croyances et les certitudes – il y a eu des grands éclats de rire, et des grands éclats de peine, il y a eu la rencontre de l’absolu, dans de toutes petites choses, et dans une grande humanité nommée Tahir, que pas une seule, pas un seul d’entre nous n’oubliera. (Efforçons-nous le plus possible d’être à la hauteur du regard qu’il a posé sur nous.)
Nous avons été des enfants blessés et des enfants rieurs. Et cela fut joyeux, ô combien joyeux !
Il y a eu une tempête, qui a permis de comprendre que chacun agit selon ses capacités, et que chacun aime selon sa nature. Je songe à la parabole de Marthe et Marie (Luc, 10, 38-42).
Toutes les individualités qui ont été ici rassemblées étaient belles, toutes différentes, toutes comme autant de parfums dans notre monde manifesté. Merci d’avoir donné votre parfum. Merci d’avoir dit « oui » à l’épreuve de l’inconnu. Merci d’avoir dit « oui » au froid, au vent, à la fatigue de la marche, à la présence parfois étrange et bouleversante de l’autre. Merci d’avoir dit « oui » à la méditation, malgré le froid, le vent, la tempête ou l’ennui.
Je sais que vous avez tous laissé un petit bout de coeur dans le Sahara. Et je sais que ce petit bout de coeur est un trésor qui vous soutiendra et vous consolera les jours de grisaille. Nous ne revenons pas d’un tel « voyage », nous sommes transformés, amplifiés, comme si en soi, quelque chose trouvait enfin sa place, comme si la porte du coeur, une fois ouverte, ne pouvait plus se refermer (ou juste quelques instants, le temps de se souvenir.)
Juliette et moi, nous vous remercions pour votre confiance, pour votre authenticité (le mot est galvaudé mais comment dire autrement le fait « d’être » sans fard, en retirant les couches qu’on installe autour de soi pour se protéger…), pour votre sourire, pour le parfum et la musique que chacune, chacun d’entre vous joue dans le monde.
Merci, merci, merci.
Caroline
